LA DÉFENSE PASSIVE EN 1939
BRASSARD DE LA DÉFENSE PASSIVE |
Le 03 Septembre 1939, Honfleur est en guerre .
Comme dans toute la France, les mobilisables rejoignent leurs corps laissant derrière eux leurs plus chères affections .
Le Maire Monsieur Edmond DUCHESNE s'adresse à ses concitoyens le 04 Septembre 1939 en ces termes:
"Depuis hier soir, la France est en guerre et un grand nombre des nôtres à déjà rejoint les armées, dans un moment aussi tragique et avant la lutte gigantesque que va vaillamment soutenir notre armée, il faut que vous apportiez tous vos efforts, toute votre énergie pour accomplir le devoir que nous avons envers nos mobilisés.
Protéger la vie de ceux qu ils nous ont confiés et assurer leur existence. Ce devoir, mes chers concitoyens, la municipalité et les services de la Défense Passive le rempliront sans défaillance.
Nous aurons également à prouver notre solidarité nationale en accueillant incessamment de nombreux réfugiés Parisiens .
Je vous remercie du concours sans réserve que vous allez nous apporter pour accomplir ces différentes tâches.
Je vous demande à nouveau instamment de bien vouloir respecter à la lettre toutes les instructions qui vous serons données par les services de la Défense Passive et tout particulièrement celles concernant l'éclairage.
Que tous nos actes soient guidés par la pensée de ceux qui viennent de nous quitter où qui vont partir dans les prochains jours . Nous savons les sacrifices qu'ils vont faire et les souffrances qu'ils vont endurer, mais nous savons aussi la ferme résolution qui les anime de nous conserver notre Liberté et notre Honneur.
Ils sont partis calme et résolus pour accomplir cette tâche et nous délivrer du cauchemar qui empoisonnait notre vie depuis des années .
Pensons à eux, prions pour eux et pour notre chère Patrie .
Vive la France ".
Ce message juste et émouvant retrace très fidèlement les premiers mois de cette guerre .
La mise en place de la Défense Passive, l'aide aux Honfleurais mobilisés l'accueil des réfugiés.
La Défense Passive
Si la Défense Passive est si bien structurée à la déclaration de la guerre, c'est qu'elle à fait l'objet d'une grande attention de la part du Gouvernement dés 1938.Un système d'organisation national destiné a protéger les civils à donc été mis au point par les autorités. Cette organisation de protection prend le nom de "Défense Passive". Une loi est votée le 11 Juillet 1938 fixant l'organisation générale de la nation en temps de guerre.
Le rôle de la défense passive est de limiter les risques courus du fait des bombardements aériens, par les populations civiles ainsi que par les ressources matérielles et les richesses de toutes natures répandues sur le territoire national et d'atténuer les effets de ces bombardements par une organisation appropriée des secours.
L'organisation de la D.P comporte donc des mesures de sécurité locale comme l'extinction des lumières et de diffusion d'alerte, des mesures de protection comme des mises à l'abri des personnes par l'intermédiaire de tranchées ou de caves aménagées et l'équipement de la population en masques anti gaz et des mesures de secours.
Le ministre de la défense nationale et de la guerre Monsieur Edouard DALADIER, dirige et coordonne l'ensemble du dispositif par l'intermédiaire des préfets et des maires ayant pour mission de préparer la population et de réaliser dans chaque commune des mesures de protection.
Pour réaliser ces différentes opérations, le président de la république, Albert LEBRUN, signe sur décret le 06 Août 1938 donnant un statut au personnel chargé de la défense passive. Celui prévoit trois catégories distinctes.
La première d'entre elles est destinée aux agents et ouvriers des services publics non soumis aux obligations militaires ou non appelés encore sous les drapeaux peuvent être employés à titre permanent où temporaire en temps de guerre ,à tous services intéressant la Défense Passive même s'ils doivent, à cet effet être appelés à d'autres emplois que ceux qu'ils remplissent habituellement .
La seconde catégorie concerne les engagés volontaires . En effet des engagements peuvent être contractés dés le temps de paix sur la base du volontariat . Après avoir remplit un formulaire et remplir toutes les conditions nécessaires, les volontaires souscrivent à titre civil un engagement pour la durée de la guerre, ils peuvent choisir leur emploi et leur lieu d'affectation.
Une rémunération pourra leur être attribué dans la limite des crédits ouverts à cet effet .Cependant l'engagement du volontariat est résilié de plein droit si celui-ci est appelé où rappelé sous les drapeaux.
Et enfin la troisième outre les employés de l'Etat et les volontaires, la Défense Passive peut également désigner des personnes suivant l'état des besoins ."Les requis civils" sont avisés, dés le temps de paix, précisant leur affectation ainsi que les conditions dans lesquelles ils doivent se conformer aux mesures ayant pour objet les exercices de Défense Passive.
L'appel des personnes sera fait soit par voie d'ordres individuels indiquant où confirmant le service a assurer, soit par voie d'affiches .
A noter que l'ordre individuel de réquisition mentionne que celle-ci cesse dés la réception d'un ordre de convocation de l'autorité militaire.
Les personnes dont les services sont requis reçoivent une indemnité calculée d'après les mêmes règles que la rémunération allouée aux volontaires.
Le 12 Novembre 1938, un nouveau décret relatif à la Défense Passive est signé afin de définir les priorités, la première mesure concerne les travaux immobiliers en vue d'aménager dans les caves et les sous-sols susceptibles de servir d'abri publics et d'assurer à tous les occupants éventuels une protection convenable contre les éclats d'engins explosifs et contre l'écroulement des parties supérieures des immeubles.
La deuxième s'attache à la protection individuelle contre les gaz de combat. Toute personne est tenue de prendre possession pour elle-même et pour les personnes vivant à son foyer des appareils de protection individuelle contre les gaz de combat dont la distribution serait ordonnée par l'autorité administrative et de se conformer aux représentations réglementant la consommation, l'entretien, la représentation et le port de ces appareils.
La troisième expose le financement des dépenses de la Défense Passive qui sont à la charge exclusive de l'Etat, sur toute l'étendue du territoire national.
La Défense Passive à Honfleur
Dés la fin Avril 1939, le Maire, en conformité des instructions du Ministère de la Défense Nationale, concernant l'organisation et le fonctionnement des services sanitaires en matière de défense invite ses concitoyens, dégagés des obligations militaires, à bien vouloir se faire inscrire à la Mairie pour être affecté en cas de mobilisation.
Soit aux secours à apporter aux blessés et aux gazés ( chefs d'équipe, infirmières et brancardiers), soit à la reconstitution du corps de Sapeurs Pompiers .
Les inscriptions sont reçues à l'Hôtel de Ville tous les jours de 09h à 12h et de 14h à 18h au secrétariat général.
Le 10 Mai 1939, Maître BEAUMER présente à la dernière séance du Conseil Municipal le rapport de la commission de la Défense Passive contre les attaques aériennes.
Etant donné que la ville de Honfleur, qui comprend environ 1720 maisons, pour 2635 ménages n'a pour ainsi dire, aucune habitation comportant des caves susceptibles d'être transformées en abris effectifs, il importe de se munir le plus tôt possible, des moyens de défense les plus indispensables et les moins onéreux en raison du modeste budget, à savoir de sacs communément appelés "sacs à terre".
D'une part, pour qu'un certain nombre d'entre eux , remplis de sable puissent être placés, à titre de premier secours, sous chaque toit, et servir le cas échéant à l'extinction des bombes incendiaires qui est le procédé d'attaque le plus à redouter à Honfleur, en raison de leur faible poids de transport et compte tenu de la longue distance à parcourir pour les avions ennemis.
D'autre part, pour que, en les remplissant de terre, un certain nombre de ces sacs soit destiné à la protection des bâtiments municipaux et à l'aménagement de tranchées publiques, qui pourront être creusées dans les endroits favorables tels que terrains, square de la plage, ou jardins divers .
La commission préconise l'achat de 15000 sacs rapidement au cas où un conflit surviendrait à l'improviste.
Un autre sujet du rapport concerne la rapidité d'intervention contre l'incendie. Il faut former des équipes de deux où trois personnes.Pour notre ville, il est reconnu qu'une dizaine de ces équipes sont à prévoir dont la mission sera la suivante:
* Garde des immeubles de leur Îlot.
* Défense contre l'incendie principalement provoquée par les bombes.
* Éventuellement brancardage des blessés et gazés.
* Désinfection rapide et sommaire des emplacements.
Le matériel à mettre à la disposition de chacune de ces équipes est principalement un matériel de fortune comprenant
Deux où trois sceaux, quelques sacs de sable, pelles à longs manches pour projeter le sable et l'eau, hachette où pince de levage de plancher deux où trois masques de protection, où mieux encore, appareils d'éclairage, pompe à main où sceau pompe, extincteurs.
En ce qui concerne les masques à gaz, c'est la préfecture qui les fournira à un prix officiel fixé par le secrétariat de la Défense Passive. 200 masques sont retenus comme approvisionnement de dépôt pour Honfleur.
Tout bien considéré, il ne semble pas que si la défense de notre frontière est violée, il n'y ait à craindre pour Honfleur en ce qui concerne les gaz.
Cette attaque, pour être efficace ne peut avoir lieu que par le jet d'une quantité massive de bombes dont les points de chute seraient concentrés sur une même région . Or il apparaît que bien d'autres objectifs plus intéressants seraient visés par les avions ennemis, avant que Honfleur ne soit choisi.
En résumé, il semble que notre ville à plus à craindre les bombes incendiaires et les bombes explosives, lâchées par un avion lui-même poursuivi où désirant s'alléger .
En ce qui concerne l'éclairage, l'extinction des lumières dans toute notre ville est une question primordiale.
Chacun doit savoir que, par sa propre négligence, la ville peut-être soumise ou non à un bombardement et si toute la région de Honfleur est vraiment plongée dans l'obscurité dés la première alerte, les avions ennemis ne sauraient songer à l'attaquer.
Dés maintenant, la population doit donc être prévenue d'avoir à se procurer tous moyens utiles pour, dés cette première alerte, être en mesure de supprimer toutes sources de lumière blanche .
Cependant il existe des endroits où subsistera l' obligation de continuer à voir clair, tout foyer lumineux vraiment indispensable devra être faible toujours tamisée par une peinture bleue foncée. IL y aurait lieu par suite de conseiller à nos concitoyens de se munir dés maintenant, de quelques ampoules en verre bleu qu'ils devront utilisés dés la première alerte .
Voilà l'ensemble des mesures préventives que la commission propose d'adopter. A toutes fins utiles et notamment pour leur financement l'ensemble des mesures a été soumis à la commission des finances le 20 Avril 1939, qui a été d'avis de proposer au titre de la Défense Passive un budget de 23000 Francs.
Le Samedi 10 Juin 1939, un exercice de la Défense Passive a lieu dans tout le Calvados conformément à un arrêté de Monsieur le Préfet en date du 27 Mai 1939 . Dans l'après-midi vers 15 Heures un premier exercice est mis en place, la sirène des pompiers, la sirène des chantiers maritimes, les cloches des deux églises.
Ainsi tous les quartiers sont couverts par les différents moyens d'avertissement . Dés la tombée de la nuit, les Honfleurais prévenus par affiche et par la presse éteignent les différentes lumières .
A 22h15, les sirènes annoncent le début de l'alerte .Les voitures s'arrêtent et éteignent leurs feux. Deux portes de guet reliées à l'Hôtel de Ville par un téléphone, préviennent que la ville est plongée dans le noir .
A quelques minutes d'intervalle des quartiers soudain s'illuminent, des feux de Bengale sont allumés pour simuler des incendies Notamment place Sainte Catherine, place du Puits et place Albert Sorel. Prévenus par téléphone, par les guetteurs, les pompiers interviennent pour porter secours. A la Mairie, les quelques infirmières réunies sous les ordres du Docteur Gallot attendent les premières victimes .
Vers 23h25 la fin de l'alerte est donnée .Cet exercice se révèle une réussite .
Il faut préciser qu'un code de signaux d'alerte et de fin d'alerte destinés à la population est mis en place, il se décompose de la façon suivante :
En cas d'alerte, la sirène fait entendre un son prolongé, les cloches sonnent le tocsin. A partir de cet instant il est recommandé à la population de rester dans les habitations. L'extinction intégrale de tout éclairage pouvant être aperçu de l'extérieur doit être effectif, les devantures des magasins doivent être fermées . En fin d'alerte, la sirène fait entendre des sons brefs répétés et les cloches sonnent un carillon pendant quelques minutes l'éclairage normal est repris.
Le Samedi 26 Août 1939, le récent exercice de la Défense Passive a permis à la population de se rendre compte des mesures d'extinction des lumières .
En cas de conflit l'éclairage public est réduit notamment en changeant les lampes ayant une plus faible intensité .Il faut se munir dés maintenant d'ampoules bleues, de vernis où de papier bleu pour les fenêtres .Par un arrêté en date du 25 Août, Monsieur le Ministre de la Défense Nationale a désigné en qualité de Directeur de la Défense Passive de la ville de Honfleur, Monsieur le Lieutenant-Colonel Gaston LACHEVRE.
Lors du conseil municipal du 16 Septembre 1939 Maître BEAUMER, délégué municipal chargé de l'étude des mesures à prendre expose ce qui déjà été réalisé pour l'exécution des travaux de la Défense Passive.
En quinze jours 300 mètres de tranchées ont été creusées en différents points de la ville, représentant un coût financier de 30 francs par mètre . Ce creusement est actuellement arrêté , mais sera très prochainement repris par 35 réservistes, qui seront affectés à Honfleur sous le commandement d'un sergent.
La ville a acheté 50 masques à gaz pour une somme totale de 5959 francs ainsi que des sacs de terre conformément aux solutions préconisées ultérieurement. Le téléphone a été installé au poste de guet en cas d'alerte pour coordonner les actions de sauvetage. Pour l'éclairage public, il est décidé de remplacer celui dit d'alerte par celui nommé de guerre, qui sera entièrement coupé à la première alerte afin d'optimiser l'obscurité en cas de survol d'un avion ennemi. Au mois de Novembre des tranchées seront réalisées au collège afin de protéger les élèves en cas d'alerte.
Honfleur est en guerre
Les services de la Défense Passive s'organisent . La ville est divisée en secteurs avec des chefs responsables, des tranchées sont creusées, des abris sont créés .
Les services d'incendies ont été immédiatement réorganisés par Monsieur le Capitaine BAUDRY.
Les hommes partis ont été remplacés par des volontaires qui ont commencé leur entraînement .
Ce jour des affiches sont apposées sur les panneaux de l'Hôtel de Ville indiquant les différentes dispositions prises.
La ville est partagée en deux sous-secteurs de protection.
1° Sous-secteur Sainte Catherine;
2° Sous-secteur Saint Léonard;
Le chef de secteur à sous ses ordres le chef de peloton secondé par des chefs d'Ilots disposant d'un matériel de secours immédiat en cas de chute de bombes dans leur rayon de surveillance .
Chacun a un arrêté à connaître dans son quartier le poste de son chef d'Ilot .Des affiches donnant l'organisation détaillée de chacun des Îlots et mentionnant en particulier toutes les rues qui y sont rattachées sont apposées à l'Hôtel de Ville et seront distribuées dans les divers quartiers de la ville.